Bruno Solo et Yvan le Bolloc’h
La série CAMERA CAFE a vingt ans. Déjà.
Pour marquer cet anniversaire, M6 diffusera prochainement un prime exclusif. Hervé Dumont et Jean Claude Convenant ont pris quelques jolies rides mais pas leurs propos.
Cependant la caricature de ces deux personnages ne saurait faire oublier l’esprit, l’analyse, la poésie et l’humour naturel des comédiens qui leur donnent vie et qui sont aussi les auteurs de cette série à succès. Rencontre très sympathique avec Bruno Solo et Yvan Le Bolloc’h, deux hommes attachants et sincères, aux antipodes d’un certain star system.
CAMERA CAFE a 20 ans. Vous achevez la préparation d’un prime exclusif avec M6 pour marquer cet anniversaire : une évidence, un besoin ? Racontez -nous
Créateur de tentations
BS Bruno Solo : Une évidence forcément puisque le premier épisode fut à l’antenne en 2001 et que nous ne pouvions pas manquer l’anniversaire le plus symbolique qui soit : les fameux « vingt ans » ! Ce n’est pas rien 20 ans, c’est la fin de l’innocence le début de l’âge adulte en fonction de là où l’on se place. Et cela a semblé aussi très logique à M6. Toutefois il n’a pas été simple de faire accepter l’idée d’un « CAMERA CAFE » tel qu’en lui-même, une farce sarcastique voire cruelle. Ce qui est une vraie posture que nous revendiquons à l’aune des réseaux sociaux aujourd’hui, qui jugent et qui lissent. En fait, l’histoire se déroule tout au long d’une seule journée en 2019, où par l’intermédiaire de situations et de flashbacks nous allons raconter vingt années. Et raconter ainsi, comment ces deux imbéciles et leurs collègues qui eux le sont nettement moins, ont traversé ces années avec l’arrivée des réseaux sociaux, #balancetonporc, les gilets jaunes, les attentats, l’écologie, les changements de présidents mais aussi la Coupe du Monde ou encore la mort de Johnny avec en point d’orgue, la pandémie. A noter que nous avons commencé le tournage à Bruxelles deux jours avant l’invasion en Urkraine. Un événement majeur mais qui, de ce fait, ne sera pas traité dans le film entre autres.
YLB Yvan le Bolloc’h : Il est certain qu’on ne peut pas mesurer non plus tout ce qui a changé dans le monde du travail. Des choses nous auront échappées mais les rapports humains et de classe, eux, sont immuables. La barricade ne comporte que deux côtés. En parallèle, ces vingt ans là, c’est aussi vingt ans d’amitié entre nous deux et tous les autres membres de l’équipe. C’est à la fois une chance et une fête de pouvoir se retrouver ainsi, sans que les drames de la vie ne nous aient séparés. Tout le monde a eu le bon goût de rester en vie ! C’est également vingt ans de relation avec un employeur qui s’appelle M6 : ce qui n’est pas rien. Vingt ans dans nos vies personnelles et enfin vingt ans dans l’histoire du pays. Et c’est bien cela avant tout le reste : les vingt ans de « CAMERA CAFE » c’est vingt ans d’histoire française vue par et avec Hervé Dumont, Jean Claude Convenant et les employés d’une petite boîte française, Geugène Electro Stim, en province dans une région imaginaire. Parce que voilà, finalement à l’époque on avait déjà tout inventé : une région, La Veule, avec sa rivière, La Drisse, sa capitale, Chimoux et des petits villages comme Bagnion-le-Vaseux, Graviers-sur-Glaise ou encore La Ferté-les-Meules.
BS Ce qui nous donne un « CAMERA CAFE » 100% authentique et dans lequel on voit bien l’évolution des personnages. On a joué avec nos têtes d’aujourd’hui nos personnages qui ont été plus jeunes. Le maquillage et les effets spéciaux nous ont bien servis pour nous rendre parfois un peu plus gracieux parce qu’évidemment en 2001 on n’avait pas tout à fait la même tête ! Mais on s’en sort plutôt très bien et notamment les filles qui sont encore plus belles maintenant qu’elles ne l’étaient déjà. Il faut dire aussi qu’être comédien nous oblige sans doute davantage à faire attention à soi étant donné que l’image est importante ; c’est quand même un peu notre devoir vis-à-vis du public qui doit nous reconnaître !
YLB j’ajoute aussi qu’à l’époque, en tant qu’auteurs, nous avions été précurseurs. Depuis les pratiques ont évolué dans le domaine de la fiction. Or il y a vingt ans, je crois que nous étions la seule équipe de production qui comptait jusqu’à 25 auteurs. A ce moment-là on trouvait logique qu’un seul homme ou une seule femme écrive l’équivalent de 700 fois 3 minutes 30 ! Des heures de programme ! Tandis que nous, nous avons vite compris que le nerf de la guerre ce n’était pas tant les acteurs que les auteurs. Et quand tu as chopé le bon concept il faut mettre des auteurs au travail et bien les payer. Donc pas mécontents d’avoir eu raison avant les autres sur ces principes contraires aux dogmes en vigueur au sein des chaînes.
La série se déroule dans un contexte professionnel. Celui-ci est rythmé par les vacances. Ces temps précieux qui sont l’occasion de voir autrement la vie. Que vous inspirent elles ?
Créateur de tentations
YLB Pour moi les vacances déjà c’est celles de l’enfance. Suivies de celles de jeunes parents, de parents et bientôt il y aura les vacances du futur retraité que je vais devenir ! Je compte bien être un jeune retraité de 60 ans. En vrai, je pourrais presque dire que j’ai passé ma vie à préparer mes vacances, avant tout synonymes de mer et de montagne : je suis un « bretagnard » en fait. Quand on bossait ensemble à la radio, il y a très longtemps avec Bruno, j’avais dit « Travailler, bien sûr, mais faut nous laisser le vendredi » pour pouvoir partir un peu loin durant le week-end sinon c’est cuit pour nous les parisiens. Les vacances c’est comme un hymne à la vie surtout quand tu pratiques intensivement et à un certain niveau, tous les sports de glisse ; bref, la mer et la montagne sont indispensables à mon équilibre. Et j’ajouterais que pour moi il y a également une notion politique à la définition des vacances. Cela m’évoque : 36, le Front Populaire, les congés payés…
BS En ce qui me concerne, beaucoup de ce que je suis, je le dois à des vacances justement seul avec mon père durant un voyage quasi initiatique de plusieurs semaines, à l’âge de 13 ans. Grâce aux rencontres qu’on y a faites, aux choses qu’on a vues aux discussions que cela a entraîné et à toutes les émotions suscitées. C’était un peu un voyage à l’aventure, or à cette étape de l’adolescence, je ne dirais pas que cela m’a fait grandir plus vite, mais autrement que mes camarades, c’est certain. En plus comme mon père était une sorte de sage, d’éclaireur, il ne cessait de m’inviter à partager mon ressenti. D’autant que j’étais hyper sensible (et le je suis toujours !). Et ce terreau fait de sentiments m’a beaucoup façonné, construit, nourri. Mes vies d’auteur et d’acteur puisent quelque part et encore dans ces énergies-là.
YLB Nous aussi ça a commencé très tôt dans la famille. Nous étions en quelque sort des exilés bretons à Paris. J’en ai même écrit un sketch « Nous aussi dans la famille le Bolloc’h on a connu les grandes migrations. Direction la Bretagne du nord ! Bretagne sud, jamais : il y fait trop chaud. » Et dès l’été venu, on se retrouvait sur le parvis de la cité avec ceux qui chargeaient leur voiture pour descendre au Maroc, ceux qui partaient au Portugal. Moi mon père était juché sur le toit de la R14 verte (un peu comme nous quand nous l’avons vue la première fois) Vous vous souvenez la R14, elle était en forme de poire ? Et alors il fallait voir un peu le cirque qu’on mettait sur la galerie ! On a ruiné des années d’études en soufflerie chez Renault (rires). Imaginez vous, sur le toit de la R14 on mettait carrément le canoé Sevylor© et pour éviter que ça cogne sur le plafond durant le voyage, mon père lestait le tout avec une tente ! On partait hyper tôt et mon père attendait ça avec impatience. Finalement, nous aussi. A l’arrivée, on était heureux d’aller chercher un coin dans un champs pour planter la tente. Et c’est resté ce goût des vacances, du temps ensemble.
BS Ce qui me fascine en parallèle ce sont les personnes qui sont capables de tout quitter d’un coup pour partir découvrir le monde. Et en fin de compte, un tour du monde c’est un tour de soi avec les autres. « Rendez-vous en terre inconnue *» a été formidable pour moi d’ailleurs. Savoir qu’au moment où l’on se parle, Batbayar est sur cette même planète, en transhumance, avec sa yourte à travers la Mongolie, et qu’il poursuit sa route en fonction des pâturages et du vent, m’émeut. Quelque part les voyages servent à ça aussi, rapprocher les gens au sens figuré parfois du terme. Mais il y a tellement encore d’endroits où j’aimerais aller ! Je regrette souvent de ne pas voyager plus. Bien sûr, nous avons plus les moyens que nos parents, mais en famille, on essaie malgré tout et le plus possible de partir à la découverte, de crapahuter dans des lieux dépaysants où l’on ne dort pas forcément dans l’endroit rêvé. Par exemple, je rêve d’un grand voyage en équateur, qui est l’un des derniers grands voyages qu’a fait mon papa. D’un autre au Japon avec mon épouse pour découvrir en immersion ce pays plein d’histoire et cette culture à la fois féodale et hight-tech !
*Dans la région du Bulgan, au nord-ouest d’Oulan-Bator avec les cavaliers mongols.
Rédiger un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.