Jean-Emmanuel Sauvée
Plus de trente ans durant, il fut l’âme de Ponant, compagnie de croisières chics made in France. Il affiche aujourd’hui de nouvelles ambitions : repenser l’art de naviguer, promouvoir et protéger les merveilles du monde marin, transmettre son expérience aux jeunes générations. Jean-Emmanuel Sauvée, hisse haut le pavillon de ses passions et entame sa deuxième vie. Avant toute !
Il préside les Armateurs de France (une cinquantaine de compagnies), il se fait ainsi l’interlocuteur du gouvernement en matière de politique maritime, il dirige la Fondation Jean Sauvée, son grand-père (créateur de l’hebdo Le Marin, une référence), gardienne des mémoires maritimes et actif pourvoyeur de bourses offertes à de jeunes chercheurs, il est membre de l’Académie de Marine, conseil avisé d’infatigables défenseurs des valeurs du grand-large. Ouf. Non, ce n’est pas tout. Il prend aussi le temps de réfléchir à la croisière du futur. La saga Sauvée continue.
Son origine se perd dans la nuit bretonne. Chaque génération Sauvée, l’homme prend la mer, il porte l’uniforme d’officier au long-cours et gagne la fierté de sa lignée. Ainsi grandit Jean-Emmanuel. Minot, il embarque sur un ferry comme pilotin, avant d’intégrer l’École nationale de la Marine marchande. Le jeune officier a de l’ambition et des idées.
En 1988, il n’a que 24 ans, il crée la Compagnie des îles du Ponant. « Nous venions de passer le canal de Panama et, depuis la passerelle du cargo, j’aperçois un chapelet d’îles plaquées sur l’horizon. J’interroge les officiers. Aucun n’en connaissait le nom et n’imaginait y mettre les pieds. Voilà qui m’a inspiré l’idée d’un nouveau style de voyages en mer, viser des territoires inconnus, offrir ce privilège aux passagers. Le France venait d’être mis au rebut, l’heure était venue d’imaginer la relève ».
« Honneur à notre tradition maritime »
La formule triomphe vite. Durant trois décennies, les croisières raffinées à bord de petites unités battant pavillon français, visitant des sites originaux ou difficiles d’accès, feront le succès de Ponant sous la houlette de cap’tain Sauvée.
Le fringuant quinqua n’a pas changé de cap. Sportif émérite (course à pied, vélo, natation) « ma manière d’évacuer le stress puis de me régénérer », il pense que l’après-Covid va modifier le paysage maritime mondial. Oui, la croisière va encore séduire grâce au romantisme des océans, à la beauté d’un coucher de soleil, à l’émotion d’une arrivée à l’escale, à la convivialité du bord. Pas sûr en revanche que les unités qui embarquent 4 000 passagers, aient toujours le vent en poupe. Jean-Emmanuel Sauvée reste attaché au concept de navire à taille très humaine : « L’intimité est un argument fort. Mais le petit nombre de croisiéristes à bord génère forcément des tarifs élevés. Il faudra donc relever la capacité, autour de 500 passagers par exemple ». Inutile d’insister, l’idée d’escales rares et précieuses reste son basique. Tout comme le raffinement du bord : « Les Français aiment que la décoration, l’assiette et la cave soient d’excellent niveau, les Américains aussi. Veillons aussi à ce que notre langue reste d’un usage courant parmi le personnel, c’est très important ! ». Don’t act. Reste à élucider l’exigence du pavillon français : « Faisons honneur à notre tradition maritime, au statut de nos marins, l’un des meilleurs du monde, à la sécurité de nos navires », argumente celui qui, avec l’aide des commandos français, mena d’une main de maître la libération du Ponant, dérouté par des pirates en plein océan Indien (2 008).
Président des armateurs de France
Voilà qui ressemble à la feuille de route d’un futur patron de croisières. L’intéressé néglige, il évoque simplement une constance dans ses convictions : « Je ne suis ni devin, encore moins donneur de leçons, mon expérience en matière maritime me guide juste vers de possibles solutions. » Affaire à suivre.
En attendant, Jean-Emmanuel Sauvée s’active auprès des gens de mer. Élu à la présidence des armateurs de France, il est devenu l’interlocuteur du gouvernement pour mettre en œuvre une véritable politique maritime en France. L’association regroupe une cinquantaine de compagnies soit 400 unités sur les 50 000 qui circulent sur la planète. Des porte-containers, des vraquiers, des paquebots de croisières, des thoniers, des poseurs de câbles sous-marins, des ferries… une assemblée protéiforme partageant l’excellence française : « Nous souhaitons mettre en lumière la formation du marin français autant que celle des états-majors, la jeunesse et la qualité de notre flotte, sa performance environnementale, sa capacité à innover, entre carburants verts, paquebots équipés d’une voile et gestion des ports, la vertu du pavillon France et de la protection sociale de nos équipages. Tout cela compose un bien précieux dont il faut montrer l’exemplarité ! »
Promouvoir le patrimoine immatériel maritime
Enfin, reste sa préoccupation actuelle, tisser le lien entre les générations, transmettre le savoir des précédentes pour que les jeunes prennent le relais, inventent à leur tour, adaptent les constances maritimes aux couleurs du jour. C’est la mission de la Fondation Jean Sauvée (1908-1985) dont le but est de promouvoir le patrimoine immatériel maritime mondial. Ses moyens : un fonds documentaire unique et impressionnant, histoire des navigations, plans des navires, récits des grands navigateurs, livres rares, législation maritime, études des fonds sous-marins, géopolitique des océans, etc. Ses actions : octroyer des bourses aux chercheurs désireux d’enrichir la connaissance du patrimoine marin. « Nous avons la chance d’aider des chercheurs talentueux », confirme le président.
En contemplant ce riche éventail d’activité, certains concluraient par « Mission accomplie ». Pas Jean-Emmanuel Sauvée. Comme le savent les gens de mer, l’horizon n’a pas de limite. Le sien respire l’air du large. Du grand large. Avant toute ! ©
Phare de mémoire maritime
Bretons purs jus, les Sauvée sont gens de mer. Jean (1908-1985) honore sa lignée en intégrant l’École nationale de la Marine Marchande de Lorient. Lieutenant au long-cours, il opte pour la presse, dirige la rédaction de l’Écho du Marin En 1946, il crée avec Alphonse Aubrée, le Marin. Un hebdomadaire de référence absolue en matière d’infos maritimes. Il en assure la direction durant trente années.
Une Fondation perpétue désormais la mémoire de ce grand serviteur de la mer et des océans. Son but : « Transmettre, informer, accompagner ». Membres de son comité d’honneur, le navigateur Olivier de Kersauson, l’avocat Michel Quimbert, Francis Vallat, ancien armateur, et Philip Plisson, photographe de la mer, excusez du peu… Dotée d’un fonds documentaire (ouvrages, études, archives, plans de bateaux, récits, etc.) impressionnant, la Fondation se fait gardienne de savoir.
Tous ces documents et l’expérience qu’ils transmettent sont à la disposition des chercheurs soucieux d’enrichir les connaissances du milieu marin, ses potentiels ou les avancées de ses conquêtes. Les membres de la Fondation interviennent à la demande sur des événements, des salons ou lors de colloques touchant leur cœur de compétence. Enfin, elle alloue des bourses à de jeunes étudiants ou chercheurs qui souhaitent mener des travaux sur l’histoire maritime, la préservation des océans, la pêche, les armateurs, les grands navigateurs, l’exploration des fonds marins, etc.
Actuellement, le petit-fils de Jean, Jean-Emmanuel Sauvée, créateur et ancien président de la compagnie de croisières Ponant, préside la Fondation.
397 Corniche Président John Fitzgerald Kennedy
13007 Marseille
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