Bigger Than Us
Flore Vasseur
Un film documentaire, plein d’espoir et de courage pour faire passer un message simple : il est grand temps de rallumer nos consciences. Et les premiers à le dire sont les premiers à le faire : Mélati, Winnie, Mémory, Mary, Mohamad, René, Xiuhtezcalt. Ils sont 7, filles et garçons, dotés chacun d’une volonté tenace, d’une pugnacité sans faille.
Avec eux, faute de temps, le doute n’a pas sa place. Ils ne jouent pas. Ils sont. Ils font. Ils impulsent le départ du changement dont notre monde a besoin.
Flore Vasseur, écrivain, réalisatrice mais surtout attentive, brosse avec délicatesse et objectivité leurs portraits. Récit et rencontre avec leur meilleure ambassadrice. Définitivement Bigger Than Us
Quelle est l’origine du projet ?
En réalité c’est la rencontre de deux sentiments d’impuissance mais très différents. Le 1er est d’ordre professionnel. D’abord, depuis 2006 j’ai cessé d’être « une femme d’affaires » pour être « une femme en réflexion » sur le monde qui nous entoure. J’ai essayé d’y trouver une utilité et me suis tournée vers l’écriture. Des livres, des portraits, des documentaires pour la télévision et à chaque fois un but identique : faire en sorte que les gens comprennent ce qui se passe dans le monde pour leur donner envie de se mobiliser et d’agir. Or en 2016, j’ai eu l’impression d’être arrivée au bout de ce que je pouvais faire en allant jusqu’à Moscou pour rencontrer Edward Snowden*, gagner sa confiance et raconter son histoire, son combat dans un documentaire filmé, exclusif (disponible en licence libre sur ARTE). Avec ce film, j’ai pensé que j’éveillerais un peu les consciences en étant un relais pour faire bouger les choses. Or j’ai eu l’exact effet inverse. On m’a dit « tu as raison, il est stellaire et incroyable, mais précisément, je ne suis pas Snowden, je ne suis pas comme lui, donc je ne vais rien faire de plus ».
Et la seconde chose, c’est qu’à la même époque, mon fils de 7 ans me demande « Maman, ça veut dire quoi : la planète va mourir ? » Là, je m’aperçois que je ne sais pas lui répondre …Toutes les choses que j’ai à lui dire sont des propos d’adultes incompréhensibles pour lui. Triste constat que celui-ci : être incapable de me mettre à sa « toute grande » hauteur. Résultat et prise de conscience : les adultes c’est inutile, ils ne bougeront pas. Ce qui compte à présent c’est de donner des clefs à cette génération là.
A partir de ce constat comment avez-vous imaginé les étapes ? Comment s’est déroulée la construction de ce projet? La sélection des « acteurs » ?
En vérité j’ai été très « aidée ». C’est-à-dire, qu’à partir du moment où il était évident pour moi que la priorité des priorités devenait « savoir répondre à la question de mon fils et le faire avec mon métier », sans vous mentir, le même jour, je suis tombée sur l’intervention de Mélati à Athènes. C’est mon meilleur ami qui me l’a adressée. Tout était logique : elle a l’âge de mes enfants donc je l’ai contactée immédiatement. Par la suite et toutes les deux nous allons faire un 1er travail pour ARTE autour d’un documentaire de 52 minutes « Et si les enfants changeaient le monde ». Une grande affection réciproque va naître entre nous deux mais je vais rapidement m’apercevoir en revanche comme tous les activistes que je connais, Mélati est passionnée mais fragile. Il est fondamental qu’elle se connecte à des personnes comme elle, sinon elle finira par s’épuiser et s’arrêtera.
Comment va s’articuler le choix puis la rencontre avec les autres ? Certains d’entre eux mettent leur jeune vie en danger d’ailleurs, presque malgré eux…
L’idée principale était de rester dans l’action, de la montrer. Mon fils au fond, ce qu’il attend, c’est de savoir quoi faire. Parce qu’il existe oui un activisme de posture, mais il y a ceux qui font, vraiment. Et j’ai été bouleversée par l’humilité et par le résultat. Puis j’ai été rejointe par une équipe formidable. Cependant un film comme celui-ci, au départ, il y a déjà 7 mois de recherches bien sûr.
Et vous quelle est l’énergie qui vous porte ?
Je suis portée par cette énergie depuis 3 ans. J’étais à ma place en suivant le chemin de la question de mon fils. Ensuite quand d’autres se joignent à vous, cette véritable aventure humaine prend forme et devient fantastique à vivre et partager. On parle d’amour là entre nous tous en fait. Que ce soit les artistes, les techniciens…
Après la réalisation d’un tel projet, comment imaginez-vous la suite ?
Je suis dans le métier du « changement culturel » et clairement il faut que je fasse le deuil d’un impact visible et quantifiable ; un peu comme on lance une bouteille à la mer. Donc la prochaine étape elle est simplement de continuer. Poursuivre déjà avec ce film puisque la stratégie d’impact se déploie à partir de maintenant. En France tout d’abord, vers les scolaires. Certes nous sommes contents parce que nous avons déjà montré le film à 2500/3000 classes mais il y en a 504 000…il y a donc encore beaucoup de travail ! Le documentaire sort à présent dans une quinzaine de pays. Cependant on sait que le public va nettement moins en salle et s’il y va c’est pour déconnecter de la réalité. En vrai, mon obstacle c’est l’indifférence et la démission des adultes.
En approchant autant la réalité de nos sociétés à travers ce film, vos livres, documentaires ou portraits, avez-vous encore la capacité alors de vous émerveiller du monde sans être anxieuse ?
Carrément, mais c’est l’humain qui m’émerveille en premier ; tout le film n’est que là-dessous d’ailleurs. Néanmoins vous n’avez pas tort car la plupart du temps je suis comme Mélati sur son mur : en équilibre. Parce qu’il est certain que tous les gens que je rencontre, les débats avec les enfants après les projections tout cela « vit » en moi forcément. Certaines remarques et commentaires émeuvent beaucoup. C’est à la fois triste et beau. Mes angoisses elles sont pour mes enfants en fait. Pour nos enfants.
Etes-vous parvenue à conserver quelques rêves de voyage pour découvrir le monde autrement que par l’analyse ?
Oui ! J’ai un grand rêve par exemple pour cet été. Partir avec mes enfants en Afrique. En Zambie, entre l’Ouganda et le Malawi (où j’ai filmé) il y a ma fixeuse qui est devenue une amie très chère. Avec elle je voudrais donc tourner dans tous le Malawi avec le film en utilisant un camion équipé pour faire des projections en plein air. Pour rendre aux habitants ce qu’ils m’ont donné. Je veux retourner voir Mémory, voir la Cheffe de Village, le montrer à toutes les femmes de ce pays. Ensuite je veux rejoindre la Zambie pour faire un safari. J’inviterais aussi ma maman pour ses 80 ans. Et je termine par l’Ouganda, faire la même chose avec Winnie. Voilà, ça c’est mon rêve ! Un voyage en famille qui a du sens et qui dessine la continuité du projet.
*Edward Joseph Snowden, né le 21 juin 1983 à Elizabeth City, en Caroline du Nord est un lanceur d’alerte américain. Informaticien, ancien employé de la Central Intelligence Agency et de la National Security Agency, il a révélé l’existence de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques
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