Vietnam
ATTENTION, PAYS PASSION !
On vient y savourer une poignée de douceurs, on en redécolle, touché plein cœur. Le Vietnam est si riche, villes, sites, plages, artisanat… Tout est là. Alors pointe l’inattendu : recoins d’un autre temps, chemins paradisiaques, tables divines, temples de totale ferveur et, plus que tout, une ambiance à plonger de suite, partager, savourer. Le voyage réussi, c’est ici.
Soyons clair, un seul périple ne permet pas de tout voir du Vietnam (331 000 km² et 96 millions d’habitants), à peine l’essentiel. Désolé, il faudra revenir et revenir encore. Tant mieux.
Le programme vietnamien est aussi dense qu’un discours de l’omnipotent Parti Communiste local dont la flamme rouge frappée d’une étoile d’or flotte sur pratiquement toutes les maisons du pays. Dans les campagnes tapissées de rizières, le plus altier des drapeaux désigne l’habitation du valeureux camarade qui veille à ce que personne ne sorte du chemin. Aidé par une sono de concert, il diffuse le discours des puissants. Et les infos du jour, arrivée du nouveau prof, visite du médecin, mise à disposition des semences de riz, achat d’un four collectif. Cool, la vie. En attendant de pédaler tranquillement sur les chemins de terre qui séparent les carrés dans lesquels pataugent les humbles coiffés du fameux chapeau conique, Hanoi, la bouillonnante capitale du pays, s’impose comme passage obligé pour cause d’aéroport international. La ville est pensée à la manière d’un ciel rayonnant (bouddhisme, confucianisme, taoïsme y lancent leurs méditations), avec lacs bordés de massifs fleuris et temples de parfaite sérénité. Superbe. Ils jouxtent des quartiers bondés (ne pas manquer celui des artisans), les cuisinières de trottoirs et quelques mémoires de France, l’hôtel Métropole, l’opéra, des façades cabossées…
Along, Sapa, Hué
Sur ce même registre, Ho Chi Minh-ville, l’ancienne Saïgon, n’est pas en reste. La Poste, un délice d’ambiance fin XIXème, l’Opéra encore, la cathédrale gardée par une Vierge dont il se dit qu’elle pleure parfois, et même l’ancienne raffinerie d’opium devenue bistro branché justifient la venue. A plonger dans un chapitre de Marguerite Duras et refuser d’en tourner la page.
Au-delà de ces deux villes, reste à viser Along, la baie qui mérite bien des baisers. Et puis, Sapa, bourgade soignée où les Français venaient s’abriter des suées de l’été. Dans les montagnes voisines, admirer les marchés des tribus (Hmongs, Dzaos, Laos, etc.) qui pour rien au monde n’abandonneraient leur costume traditionnel, encore moins leur artisanat et leurs belles manières. Le Parti valide. Enfin, direction Hué où se cultive la mémoire impériale dans des temples et résidences dont les ruines attestent de la violence des bombardements américains. Ce qui n’empêche pas le marché de déborder de casquettes des équipes de la NBA, de zippos soit-disant récupérés après le départ des GI, encore moins t-shirts à la gloire des USA et sneakers comme à New York mais de totale contrefaçon. Voilà pour l’essentiel. Reste donc à rencontrer le Vietnam, le vrai, celui qui se moque autant des modes que des cartes postales.
Hoi An, reine des lanternes
Alors, histoire de bousculer le sage algorithme des circuits balisés, deux suggestions : la petite ville de Hoi An, au centre du pays, à deux pas de Danang ; et les plages de Lang Co nouvel éden pour une pause balnéaire entre deux hameaux de pêcheurs d’un autre temps.
Hoi Han aime la tradition. Ici, c’est lanternes de papier, petites maisons de bois et cyclopousses. La belle est inscrite au patrimoine mondial par l’Unesco, il doit bien y avoir une raison. Exact : cinq siècles de rayonnement. Son édifice le plus ancien est un pont jeté en 1593 par-dessus un bras du fleuve Thu Bon qui traverse la ville. Il scellait l’amitié entre soyeux chinois et boutiquiers japonais en réunissant les quartiers des deux communautés. La tranquillité des marchands vaut tous les accords de paix. Depuis cette époque, les habitations sont construites en jacquier très sombre puis coiffées de tuiles toujours en bois, alternant concaves et convexes, on ne triche pas avec le ying et le yang. Magnifique de nostalgie sépia.
Chaque soir, mille lampions de papier colorés dansent avec le vent le long des ruelles interdites aux voitures. Sur les berges du Thu Bon, les lanternes grandissent, se font dragon, étoile du Parti, bouquet de bambous, puis la musique s’en mêle, rythmant la rame des amoureux qui ont loué une barque pour glisser sur les eaux noires afin d’échanger un discret baiser à l’abri des pudeurs qu’impose la doxa locale. Sur l’autre pont, le tout neuf, des gamins vendent des bougies à poser au creux d’une coque en papier pliée à la main. Une piécette, une allumette, un vœu pensé très fort et vogue le frêle esquif confié au courant. Quand la petite lumière disparaîtra, là-bas, avalée par le tapis des rizières, le ciel se fera prince des étoiles et le souhait deviendra réalité. Promis.
Lang Co et les paniers ronds
Pour dénicher un autre bonheur intact du Vietnam, prendre ses quartiers de paresse en baie de Lang Co. Vers Hué et Danang, s’étirent des dizaines de kilomètres de sable blanc. Entre deux plages désertes bourdonnent des villages de pêcheurs restés totalement dans leur jus. Pour le décor, poser des collines émeraude, des rizières tenues avec minutie, longées par une route brinquebalante. Le vélo poussif croulant sous les ballots, le minibus trop pressé ou la mobylette briquée comme jamais pour conduire son amazone en longue robe blanche fendue (ao dai) enchantent le regard. Photo, s’il vous plait ! Pour peu que les brumes du matin tourbillonnent avec les brises du large, les amoureux se régalent.
Côté mer, de drôle de paniers ronds dansent dans le clapot, en bord de plage. Ce sont des embarcations de pêche. Ces grands bols de bambou tressé serré n’embarquent qu’un as de l’équilibre avec sa rame et son filet. Il reviendra avec crevettes et mulets qu’il déposera sur un étal du mini-marché du village. Ambiance assurée. Admettons, ce sont surtout les ménagères qui tâtent l’ouïe et discutent les prix. Leurs hommes veillent à l’écart en éclusant une petite Ha Noi ou une Larue, les bières locales, allez, deux, histoire de refaire le monde, au moins le village. C’est le moment de s’asseoir, d’offrir sa tournée, tchin, les mots ne servent à rien, seul compte la sincérité du regard, demain, viens pêcher avec moi.
Les chrysanthèmes et le devin
Entre deux gorgeons, opter pour la découverte des alentours. Vélo, voiture ou pétrolette de location, c’est au choix. Ouvrir grand les yeux, savourer l’ordinaire des villages traversés. S’étonner des chrysanthèmes jaunes posés devant chaque porte. La vie, cher étranger, est dictée par la lune, évidemment. Pleine ou noire, deux fois par mois, ces fleurs chassent les esprits malins qui apportent tristesse et maladie. Comme chacun sait, les dieux du ciel délèguent leurs représentants sur terre. Un esprit protège le village, un autre s’occupe de la famille, ce troisième assure les bonnes récoltes ou la prospérité du magasin. Pour appeler leur grâce, garnir d’offrandes le petit autel installé à l’intérieur de la maison, au beau milieu de la salle à manger. Par sécurité, consulter aussi le devin du village. Ce personnage clef du quotidien vietnamien indique le meilleur moment pour acheter la voiture, commencer les travaux dans la maison, fixer le jour du mariage, des semailles, de l’ouverture de la boutique… Si la prévision ne se réalise pas, changer de devin.
Aimer son pays
Au carrefour des routes, les panneaux et les banderoles rouges en appellent à travailler plus, aimer son pays, rester unis, les citations de Ho Chi Minh, le père de la nation, attestent de ces louables vertus. On allait oublier que le Vietnam est un pays communiste. A vrai dire, l’affaire ne gène jamais le visiteur. Elle compose, assez joliment du reste, le quotidien vietnamien, sans que quiconque semble vraiment s’en soucier. Tant mieux. Depuis trente ans, le pays affiche une croissance à deux chiffres, tous les bambins vont à l’école, la Covid a été maitrisé avec brio et les ingénieurs en informatique décrochent des postes en or en Californie. Derrière ces triomphes, chaque Vietnamien sait bien que l’essentiel est ailleurs. Alors, il regarde le ciel, puis tend la main. Bienvenue dans mon pays
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