Clarisse Crémer

L’ÉTOILE DES MERS

Bien vu. Banque Populaire mise sur Clarisse Crémer pour défendre ses couleurs à l’occasion du neuvième Vendée Globe.
Cette course est un mythe, le graal de tous les marins comme des enfants qui rêvent grand et large sur les bancs de l’école. Plus qu’un tour du monde en solo (44 996 kilomètres) et sans assistance, la compétition promet l’enfer, des creux d’épouvante autant que des tempêtes rugissantes, de la casse comme des réveils douloureux.
Et autant de souvenirs inoubliables. Record à battre : 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes, deux mois et demi.

Clarisse, 30 ans, barre Banque Populaire X (ex-Macif, premier du Vendée Globe en 2013 puis de la Route du Rhum en 2014 et 2018), un monocoque de 60 pieds, 18,288 mètres, capable d’envoyer 570 m² de toile. Pas de quoi effrayer la navigatrice émérite, vainqueur de la mini-fastnet et de la Transgascogne en 2017, par ailleurs diplômée de HEC. As des winches et tête bien faite. Flambé, Armel Le Cléac’h l’a coachée sur une récente transat, histoire de lui confier les secrets de la compétition hauturière. Clarisse Crémer coche ainsi toutes les cases de la future égérie. Jeune femme au sourire lumineux, sportive tonique aussi avisée devant une houle croisée que face à la caméra, future leader de sa génération. Manque juste une épopée planétaire conclue par un retour glorieux aux Sables-d’Olonne, visage chiffonné mais regard triomphant. Défi relevé, pari réussi. Les communicants de Banque Populaire tiendront alors la figure de proue du monde nouveau. Embarquement immédiat dans le sillage de Clarisse.

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En prenant le départ du Vendée Globe, vous cumulez trois originalités. D’abord, être une femme, il n’y en a que 6 pour 27 hommes sur le plateau. Est-ce un argument ?

Créateur de tentations

CC Clarisse Crémer. Autant, dans les compétitions entre amateurs, il peut y avoir des préjugés sexistes, autant chez les pros, il n’y a aucun distinguo. Nous sommes tous à égalité, avec nos particularismes, notre manière de naviguer, nos équipes à terre. De nombreuses femmes ont, avant moi, montré leur capacité à barrer à égalité avec les hommes. La leçon a été retenue.

Vous avez 30 ans. La jeunesse pêche forcément par manque d’expérience. Mais brille par son énergie et son audace. Dans votre cas, de quel côté penche la balance ?

Créateur de tentations

CC Ce Vendée Globe est une première pour moi. Pour être sincère, participer à une course de cette envergure me galvanise même si j’appréhende les surprises, bonnes ou mauvaises, qu’elle me réserve, liées à ma découverte des mers du Sud. En tous cas, le bateau est au top et moi, je suis prête physiquement, très punchy, juste impatiente de prendre le départ.

Enfin, sur cette compétition, vous êtes une novice. Avez-vous le trac ?

Créateur de tentations

CC . Tous les marins présents au départ ont eu leur première fois, une première transat, leur premier tour du Monde, non ? J’entre dans le club, pour apprendre et me battre ! D’une certaine manière, je vis le paradoxe d’une folle aventure, d’un départ pour l’inconnu, et d’un autre côté, le privilège, donc le bonheur, d’intégrer une compétition de très haut niveau. Il suffit de consulter la liste des partants, tous des géants de la course avec des palmarès de folie, pour admettre que je suis désormais dans la cour des grands. Pardon, mais j’en suis très fière !

Avec ces trois caractéristiques, vous sentez-vous bien intégrée au petit monde des skippers pros, connu pour ses loups de mer au caractère rugueux ?

Créateur de tentations

CC

Préparer une course comme le Vendée Globe exige tellement d’heures de travail, de veille sur mille détails, sans oublier les entraînements et les briefings avec mon équipe à terre, que les contacts avec les autres skippers sont réduits. Mais lorsque nous nous croisons, la convivialité est parfaite. Pas de grincheux ni de moqueurs à l’horizon et c’est heureux !

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Cette course passe pour le graal des marins. Vous prenez le départ pour la gagner, la terminer ou engranger de l’expérience en vue de prochains défis ?

Créateur de tentations

CC Restons réalistes et lucides : gagner…, peut-être pas ! Terminer est mon premier objectif, ce sera ma grande victoire. J’ajoute le plaisir de la découverte, ces moments difficiles qui effacent la crainte qu’on en avait, et puis ces circonstances grisantes qui incitent à lâcher les chevaux, le plaisir de l’harmonie entre le bateau et l’océan… Depuis un an, je suis professionnelle et j’ai la confiance d’un sponsor solide et engagé, je souhaite poursuivre l’aventure bien après le Vendée Globe, l’expérience me sera alors précieuse

Quel a été le déclic qui vous a fait passer de la voile loisir à la voile compétition ?

Créateur de tentations

CC

Ma participation à la mini-transat quand j’étais étudiante puis ma victoire sur la mini-Fastnet en 2017. Et ma rencontre avec Tanguy (Tanguy Le Turquay, skipper et compétiteur, mari de Clarisse). Au-delà, je pense que c’est la concrétisation d’une passion que je vis depuis mon adolescence, lorsque j’étais impatiente des prochaines vacances pour quitter la région parisienne où je vivais, direction la Bretagne et les navigations avec mon frère. Désormais, ma ligne de vie est claire, j’habite dans le Morbihan, la course au large est mon métier, je suis totalement mobilisée sur mes objectifs sportifs. Et je suis heureuse.

Dans le monde des courses au grand-large, avoir un sponsor de renom qui mise sur vous, un bateau de référence et un parrain prestigieux (Armel Le Cléac’h) suscite de la jalousie ou des applaudissements ?

Créateur de tentations

CC J’ai la chance extraordinaire d’être magnifiquement entourée, avec Armel et la Banque Populaire à mes côtés. Je vis un rêve et suis très consciente de mes privilèges. Tout le monde sait, moi la première, que rien n’est acquis. Maintenant, il me faut être à la hauteur de la confiance qui m’est faite. Bref, du travail, du travail et encore du travail !

Que vous apportent vos savoirs HEC lorsque vous préparez la course et quand vous êtes à la barre ?

Créateur de tentations

CC

Disons que ma formation m’aide pour toute l’organisation et la gestion de mon programme. A la barre, je suis seule. J’espère être aussi inspirée sur l’une que sur l’autre.

Pensez-vous être la figure de proue d’une nouvelle ère de la voile professionnelle (femme, sponsor solide, équipe de pros à terre, logistique, etc.) ? Etes-vous prête à assumer ce rôle ?

Créateur de tentations

CC

Imaginer pareil futur me fait beaucoup d’honneur mais je ne suis pas du tout sur cette logique. Pour le moment, ma seule préoccupation, c’est le Vendée Globe, l’inconnu que représente la course, je passe constamment en revue tous les aléas probables de la navigation et la façon de les gérer. Le reste, on verra plus tard.

Quel est le moment, le lieu, la circonstance, que vous redoutez le plus au cours de ce Vendée Globe ?

Créateur de tentations

CC Il y en a beaucoup ! Le départ d’abord, je fonctionne à la manière d’un tracteur, j’ai besoin de temps pour m’accoutumer à la mer, avant de me sentir acclimatée et en phase avec l’action. Ensuite, évidemment, il y a l’arrivée dans le grand Sud, quand on passe de l’été en t-shirt au plafond bas avec mer démontée. Heureusement, c’est ambivalent, à la fois source d’inquiétude et griserie des conditions extrêmes qu’il faut gérer avec le physique comme avec le mental.

En course, aimez-vous vaincre la mer ou préférez-vous composer avec elle ?

Créateur de tentations

CC J’aime comprendre la vague, associer la météo avec le cap, viser l’harmonie et l’efficacité. Je fais alliance avec les éléments, inutile de se croire le plus fort. Je sais aussi que mon principal ennemi, c’est moi, la fatigue, le manque de sommeil, l’inattention, l’envie de savourer le spectacle d’un coucher de soleil…

Musique à bord ?

Créateur de tentations

CC C’est nécessaire, même si rares sont les périodes de répit qui permettent de danser sur le pont ! Je suis très éclectique, Mozart, les Stones, Vianney…

Avez-vous un doudou, un objet fétiche que vous n’oubliez pas d’embarquer ?

Créateur de tentations

CC Cédric l’éléphant est mon compagnon de mer. Cette peluche porte le nom du préparateur qui veillait sur moi lors de la Solitaire du Figaro. Elle est devenue mon porte-bonheur. En arrivant aux Sables-d’Olonne, je la serrerai fort contre mon cœur.