Yvan Bourgnon
LES FOLLES INTENTIONS
Yvan est double. Côté pile, voici le compétiteur, le skipper émérite qui remporta la Transat en double avec son frère Laurent sur Primagaz et le Fastnet (1997), devenu insatiable chasseur de records (traversée de la Méditerranée puis de la Manche, tour de la Guadeloupe, distance parcourue en 24 heures, 625 milles quand même, 1 157 kilomètres !, tour de la Bretagne, etc.). Sur le registre solitaire, Yvan insiste avec un tour du monde sur une coque de noix, son catamaran de 6,30 mètres, non habitable, sans GPS, cela va de soi, juste un sextant et des cartes papier, comme au bon vieux temps, 220 jours de mer et une barbe de Robinson. Rassasié ? Toujours pas. En 2017, même esquif miniature et folie sans retenue : il part mater le grand blanc sur la Route du Nord-Ouest, 7 500 km entre Alaska et Groenland, rallier le Pacifique à l’Atlantique, merci le réchauffement climatique qui ouvre le passage. Gagné après 72 jours de combat contre la banquise et les icebergs. Le prochain défi du « Gladiateur des mers », comme on l’appelle ? Bien pire encore…
Côté face, Yvan Bourgnon pose le pied à terre, affiche sa pleine conscience pour devenir leader du projet The SeaCleaners. Chef de bande écolo, le loup de mer se met au service du collectif, affiche l’engagement humanitaire qui lui tient à cœur. Ce «nettoyeur des mers » propose une solution inédite pour traiter le plus grand désastre écologique qui frappe mers et océans, la pollution par les plastiques. La mise en œuvre se fera à bord d’un catamaran géant, Manta, alimenté par éoliennes et panneaux solaires, le premier bras armé de l’opération, sa démonstration d’efficacité. Technologie novatrice, projet grandiose conçu pour un monde maritime sans frontière, mise en chantier 2021, au travail à l’horizon 2024. La suite, ce sera cadeau pour la planète. Mission accomplie pour Yvan Bourgnon. Il peut à nouveau hisser la grand-voile.
YB.
Comment est né le projet The SeaCleaners ?
Créateur de tentations
Après trente années de navigation, je suis effaré de voir que mer et océans sont de plus en plus encombrés par des déchets. Pas une minute sans heurter une bouteille, une plaque de polystyrène, des bouts de filets, une tong… C’est insupportable et dramatique. Chaque minute, 15 tonnes de plastiques sont déversées dans le milieu marin, 8 millions de tonnes par an. A terme, ils se transformeront en nanoparticules, irrécupérables, ingérés par les poissons et au final, par nous, consommateurs. 100 000 mammifères et un million d’oiseaux en meurent dans l’année. Ce constat exige une révolte. The SeaCleaners matérialise la mienne.
Comment est-il mis en œuvre ?
Créateur de tentations
YB Il ne s’agit pas d’aller nettoyer les océans, façon utopie pour bobo baba !, nous sommes des gens conscients et pragmatiques. Nous savons que le rejet des plastiques commence à terre. Ce sont les fleuves qui alimentent le milieu maritime en déchets toxiques et personne ne s’est jamais penché sur cette réalité. Nous avons identifié les vingt deltas dans lesquels transitent 60% des plastiques, Nil, Gange, Mékong, Amour, Yang Tsé, Indus, Amazone, Niger, etc. C’est ici que nous voulons traiter le problème, avant que tous ces résidus gagnent le large et, au fil des ans, deviennent des particules intraitables. Alors, nous avons créé de toutes pièces un bateau, le Manta. Il intègre une unité de traitement des plastiques par pyrolyse qui va transformer les déchets en électricité. Et cette électricité alimentera les moyens de propulsion du bateau. La technologie est inédite, géniale, elle permet une solution jamais mise en œuvre. Manta sera positionné à l’embouchure d’un grand fleuve. L’idée est qu’il soit dupliqué pour être présent sur tous les deltas concernés.
Quel est l’avancement de The SeaCleaners quatre années après la révélation du projet ?
Créateur de tentations
YB Le bateau sera positionné à l’embouchure d’un fleuve où, à raison de 3 tonnes de déchets traités par heure , il accomplira son nettoyage. A bord, plus de vingt personnes contribueront à son bon fonctionnement et dix scientifiques du monde entier pourront mener des recherches sur la caractérisation et la localisation des déchets à bord d’un laboratoire embarqué. A terre, d’autres prolongeront et enrichiront la mission. Auprès des autorités du pays pour les sensibiliser à notre action et les inviter à poursuivre par elles-mêmes. Auprès des entreprises locales pour qu’elles contribuent à la présence d’autres Manta sur zone et limitent les pollutions à venir. Auprès des écoles pour que les jeunes générations acquièrent les bons gestes et soient les gardiennes d’une nature préservée. Auprès des médias pour que notre action soit valorisée et poursuivie après notre départ…
Le succès de The SeaCleaners passe donc par la multiplication de Manta !
Créateur de tentations
YB Exact. Je parlais de vingt fleuves pollueurs. A terme, il faudrait donc au moins vingt Manta. Mais nous allons plus loin. Nous imaginons qu’il sera pertinent de remonter le long des grands fleuves afin de toucher au plus près les émetteurs de pollution. The SeaCleaners est un projet transparent, ouvert à tous et gratuit pour qui veut se l’approprier. Pardon, mais je rêve d’un monde où une bonne centaine de pays auraient adopté Manta et des milliers de Modula, un monde où la pollution des plastiques serait enfin maîtrisée.
.
Conduire une opération aussi complexe et dense vous oblige-t-il à mettre votre carrière sportive entre parenthèse ?
Créateur de tentations
YB Evidemment, j’ai placé la voile au simple rang du loisir durant une bonne année. Je m’autorise quelques sorties quand même, en compagnie de mon fils Mathis avec lequel nous venons de battre le record de distance parcourue en 24 heures à bord d’un catamaran de sport (403 milles sur un Nacra F20) entre Lisbonne et Safi au Maroc. J’ai besoin de ce genre de défis, ils me galvanisent, me donnent l’énergie que je transmets immédiatement aux équipes de The SeaCleaners. Voyez, la boucle est vertueuse, elle fonctionne !
Rêvez-vous encore d’une prochaine grande aventure solo ?
Créateur de tentations
YBJe ne peux m’en empêcher, c’est mon ADN et il y en a une qui me tient à cœur depuis longtemps. The SeaCleaners peut tourner sans moi quelques temps. Alors, je reprends mon envie de boucler un tour du Monde contre les vents à bord d’un maxi-catamaran. En solo, bien entendu, et en moins de 100 jours, évidemment. Je suis impatient.. ©
https://yvan-bourgnon.fr/ – Voir carnet d’adresses
Rédiger un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.