Philip Plisson
Photographe salué dans le monde entier, marin de tous les océans, observateur passionné des phares, des côtes, des bateaux, des coups de vents, des marées et des ciels tourmentés, Philip Plisson fait l’actualité avec un livre et un film, « Merci la mer ». Un double hommage à celle « qui m’a tout donné »..
Cadrage, couleur, mouvement, il magnifie l’instant. Son regard fixe l’éphémère qu’il pare d’éternité. Un boitier, Canon durant 30 ans, désormais Sony Alpha R74, 61 millions de pixels, voici son arme. Quand il dégaine, c’est pour figer l’incroyable beauté de la mer, la révéler, la partager.
A 75 ans, Philip Plisson, inlassable photographe du monde marin, signataire de 77 ouvrages, n’en est pas à l’heure du bilan. Comme lui, son art reste en mouvement. La preuve par ce recueil de photos inédites et ce documentaire de 26 minutes réalisé par Jean-François Pahun.
Changement de cap ? Plutôt que d’emprisonner la mer dans votre viseur, vous ressentez le besoin de lui parler, de lui avouer votre passion ?
Créateur de tentations
PP Philip Plisson : Depuis 1973, date où j’ai commencé à pourvoir vivre de mes photos, les années passent. Elles m’autorisent à faire un point d’étape. Bientôt cinquante années et autant de bouquins, certains co-signés avec les plus grands, Queffelec, Mahé, Kersauson… Cela justifie un instant de recul, l’envie de remercier celle à qui je dois tant. Toute ma vie, le monde marin a été ma source d’inspiration, de création, d’émotion. A mon tour de restituer un peu de ce que j’ai reçu. Je suis l’amoureux qui ressent l’urgence de déclarer sa flamme.
Comment a commencé la belle passion ?
Créateur de tentations
PP J’avais 4 ans, je passais comme chaque été les vacances à La Trinité-sur-Mer avec mes parents. Ma fascination pour la mer, le large, les bateaux, est née ici. Quelques années plus tard, en 1957, papa que l’océan fascinait autant que moi mais qui n’y connaissait rien question navigation, a acheté un bateau, un joli 10 mètres en bois. Il m’a fait monter à bord et, au fil des années, nous avons appris ensemble à devenir des marins. Juste avant, j’avais 9 ans, ma grand-mère m’a offert un appareil photo. Quand je n’étais pas le moussaillon de papa, je sortais ma plate, un de ses cadeaux, et à la godille je rejoignais l’entrée du chenal. Là, je passais des heures à photographier les voiliers qui, à la voile, entraient ou sortaient. Je vivais mes premiers bonheurs.
La vibration est révélée, cela ne fait pas un métier. Comment dédiez-vous votre vie à la photo ?
Créateur de tentations
PP Toute mon adolescence, je shoote, je shoote, je shoote. A 18 ans et un mois, je m’engage dans la Marine Nationale. Je suis affecté au transport de matériel avec port d’attache Papeete en Polynésie française. Aujourd’hui, on imaginerait des vacances parfaites. Mais à l’époque, nous assurions la logistique des essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa où j’ai assisté aux huit premiers tirs. Puis je rentre en métropole à Cherbourg, après deux ans de navigation. A mon retour j’épouse Marie-Brigitte avec qui nous aurons trois enfants. En 1973, nous nous installons à Orléans et ouvrons un studio de photos publicitaires. Une aventure formatrice de 10 ans avant de rejoindre La Trinité en 1987. Enfin, je vais pouvoir photographier pour naviguer et naviguer pour photographier. Une précision, j’y tiens : jamais je ne me dis « photographe professionnel » ; je reste un amateur, au sens étymologique, celui qui aime.
Votre véritable prénom est Philippe, pourquoi avoir opté pour sa version britannique ?
Créateur de tentations
PP Dans la bibliothèque du collège où j’étais en pension, il y avait des livres en anglais, dans l’un d’eux, le héros s’appelait Philip, j’ai trouvé ça très chic, très élégant. Je n’ai jamais changé d’avis. Voyez l’importance que peut prendre un détail… Comme dans la composition d’une photo.
De toutes les images que vous commercialisez depuis votre atelier-exposition de Crac’h (golfe du Morbihan), quelle est votre préférée ?
Créateur de tentations
PP C’est la prochaine que je prendrai.
Quelle est la plus vendue ?
Créateur de tentations
PP Sans contestation possible, il s’agit de « Avis de coup de vent sur le phare de la pointe des Poulains à Belle-Île-en-Mer ». J’ai pris cette photo le 26 novembre 1996 depuis un hélicoptère avec des rafales à 130 km/h. Il parait qu’à ce moment, j’ai hurlé à mon pilote « P… quelle plaque ! ». J’étais certain d’avoir mis en boite une image marquante, tous les photographes connaissent ce frisson d’extase quand ils savent qu’ils tiennent « leur » photo. En poster ou en tirage encadré, elle a été diffusée dans le monde entier à un peu plus de 4 millions d’exemplaires.
PPDe la gloire au chaos, il n’y a qu’un pas, en 2010, vos ateliers et votre galerie sont détruits par un incendie, vous perdez tout.
Créateur de tentations
Vraiment tout, je n’ai plus rien. 3 000 m² de bâtiments brûlés avec 35 années d’archives photographiques, 37 salariés à l’arrêt, comme ma vie, tout est fini. Mais grâce à mon épouse, Marie-Brigitte, et mes trois enfants, Guillaume, Anne et Franck, je n’ai pas lâché la barre.
Pour exercer votre art et par passion du voyage, vous avez couru le monde, Irlande, Seychelles, Brésil, Madagascar, Inde, Etats-Unis, Antarctique, Bijagos, Vietnam, etc. Quelles ont été vos escales préférées ?
Pour exercer votre art et par passion du voyage, vous avez couru le monde, Irlande, Seychelles, Brésil, Madagascar, Inde, Etats-Unis, Antarctique, Bijagos, Vietnam, etc. Quelles ont été vos escales préférées ?
Créateur de tentations
PP Chaque voyage est une aventure qui commence et je les savoure toutes. Je crois aux vertus de la découverte et de l’ailleurs, raison pour laquelle, dans le livre comme dans le film, j’ai placé en exergue « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. Heureux qui comme Ulysse a vu cent paysages » J’avoue une affection particulière pour la Martinique, ses beautés naturelles, sa population, sa cuisine, sa musique… Et puis, la Polynésie aussi, mon premier grand voyage sous l’uniforme, désormais le site d’inoubliables balades en mer en compagnie de mon ami Olivier de Kersauson. Nous nous connaissons depuis l’enfance, à La Trinité, nous embarquions tous les deux sur le bateau de papa. Il est rare qu’un jour passe sans qu’on s’appelle. Allez, j’ajoute la Corse où la mer est si belle, l’Islande pour ses incroyables reliefs géologiques, ainsi que la côte ouest du Groenland à l’incomparable pureté.
Vous avez photographié chaque mètre carré de la Bretagne, toutes les îles de la région, tous ses phares, mais également la plupart de ses bateaux. Vous avez beaucoup navigué. Etes-vous toujours prêt à larguer les amarres ?
Créateur de tentations
PP J’ai eu la chance d’avoir de merveilleux voiliers, y compris certains de compétition. Je n’ai gardé que ma petite merveille, Sainte-Marine, une ombrine Bénéteau de 1964, un canot de 5,80 m. Je l’ai utilisée durant cinq ans à Venise, un délice et un beau bouquin avec elle. Pour l’anecdote, j’ai découvert dernièrement qu’elle avait été rien moins que le propre bateau d’André Bénéteau, et le premier bateau en plastique des chantiers !
Quels sont les objets fétiches que vous gardez dans votre bureau ?
Créateur de tentations
PP Je ne cultive pas la nostalgie, mais j’avoue être attaché à quelques rappels de merveilleux moments, mon uniforme de Matelot, le compas qui était à bord du bateau de mon père, un pavillon américain reçu du Yacht Club de la Nouvelle-Orléans, le lion de Venise dessiné pour la Coupe de l’America… Sans oublier mon Leica, prêt à être déclenché ! Ce sont les souvenirs qui composent mon hymne à la mer.
« Partageons un instant ce qu’un jour
j’ai emprunté à la Mer »
« Merci la Mer »
Philip Plisson
Éditions Plisson – La Trinité
Retrouvez les photos et l’actualité de Philip Plisson
sur www.plisson.com
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