Nicolas Dubreuil

« Admirer la nature, ne jamais l’altérer »

Son métier : explorateur. Pas besoin de diplôme pour l’exercer. Juste l’exigence d’un cœur gros comme ça, d’un œil grand ouvert et d’une passion pour l’ailleurs, l’inconnu, les autres. « Toujours ressentir l’ivresse de la curiosité », comme il dit. La cinquantaine, riche de trente et quelques années passées à forcer le destin autant que les horizons, du Groenland à l’Antarctique, en passant par les Bijagos, la prochaine de Nicolas à bord de Dumont-d’Urville (Ponant). Il guidera les passagers à terre comme en mer avec en tête le mantra de ses conquêtes : « observer la nature, l’admirer sans compter, mais ne pas toucher, puis repartir comme on est arrivé ».

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A bord, réveil à quelle heure ?
Créateur de tentations

ND Vers 5 heures pour préparer la journée mais surtout, j’ai besoin de « sentir » le temps et le lieu. Je grimpe sur le pont extérieur, je regarde la lumière, juste un t-shirt, pour sentir l’air et la température, observer l’état de la mer, parler avec le vent. Ce contact direct avec les éléments m’est indispensable.

Un rituel du petit déjeuner ?
Créateur de tentations

ND Jus de citron, ni thé, ni café. Le petit déjeuner, plus tard. En exploration, il faut manger solide pour avoir de la force. Je ne demande pas aux passagers de se régaler avec du narval fumé comme on le fait au Groenland, mais au moins d’avoir l’appétit en mode joyeux. Comme moi.

L’endroit que vous préférez sur un bateau ?
Créateur de tentations

NDSans hésitation, la passerelle. Voici le cœur du navire, son centre de décision, là où sont collectées toutes les informations, un lieu de silence, de concentration, presque de recueillement. Dans la lumière bleue du petit jour, c’est magnifique !

L’excursion que vous préférez ?
Créateur de tentations

ND Ponant la propose en Antarctique. Nous quittons la baie où est ancré le bateau et nous partons sur un chemin de terre qui gravit une petite montagne. Lorsqu’on arrive au sommet, je demande à tout le monde de se retourner. Et là, essoufflés, presqu’effarés, les passagers voient le navire quitter son ancrage ! Désormais, plus de marche-arrière possible. Il faut continuer dans un paysage magnifique et rejoindre une autre baie où le bateau nous attend.

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L’exigence que vous imposez aux passagers en excursion ?
Créateur de tentations

ND Ils doivent revenir avec la certitude d’avoir découvert un site exceptionnel. Je veux les voir euphoriques mais leur demande juste de ne rien déranger, de laisser les lieux intacts. J’imagine que ça marche car certains ne digèrent pas d’avoir troublé une colonie de manchots ou d’avoir par mégarde écrasé un œuf tombé du nid…

Grosse galère ?
Créateur de tentations

ND/eltd_dropcaps] Oui, en Géorgie du Sud, cernés par les glaciers, un ciel bas et noir, des vents violents, on n’avance pas, il pleut, les passagers restent confinés à bord… Heureusement, c’est rare.<blockquote class="wp-block-quote is-layout-flow wp-block-quote-is-layout-flow">Un jour, vous avez dit stop, j’arrête tout<cite>Créateur de tentations</cite></blockquote>[eltd_dropcaps type="circle" color="" background_color="#ddd"]ND Le médecin m’annonce qu’il faut m’amputer les mains et les pieds. Alors, je me dis que je suis allé trop loin, qu’il ne fallait pas défier la nature, me sentir le plus fort. J’ai manqué d’humilité. Nous sommes au nord du Groenland, je marche sur un lac, la glace cède, je tombe à l’eau, – 2°C, un mal fou à remonter avec mes vêtements de cuir et de fourrure, j’avance à plat ventre, je ne sens plus mes mains, je retombe dans l’eau et reviens par miracle grâce au frère qui m’accompagne. Nous marchons et trouvons ce toubib des glaces. Je refuse sa décision et le miracle se produit, sans doute parce que je n’ai jamais ni bu d’alcool ni fumé, la revascularisation des membres revient petit à petit, plus vite qu’espéré. Mes pieds et mes mains sont sauvés.